Le choc des émotions
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Le choc de nos émotions


Les émotions font partie intégrante de l’humain. Elles ont différents visages comme la joie, la colère, la peur, la tristesse ou le dégoût. Il y a différentes catégories de personnes: celles qui savent les montrer, les gérer et les interpréter et celles qui ne montrent rien ou ne savent juste pas le faire. 

De mon côté, j’ai toujours été émotive. C’est à dire que je me laisse très facilement submerger par mes émotions. Je ne sais pas toujours les gérer, ce sont plutôt elles qui me gèrent. D’ailleurs, j’ai la larme très facile dans n’importe quelle situation. À contrario, j’élève une enfant à qui il faut en permanence décoder les émotions, quelles qu’elles soient. 

Sarah, atteinte d’autisme, ne perçoit pas certaines nuances de notre mode de fonctionnement à nous, les neurotypiques. On pourrait presque alors parler de choc des émotions ! Le choc entre deux manières de fonctionner totalement différentes mais qui se rejoignent pourtant inexorablement. Car oui, elle ressent des émotions, mais elle ne sait pas toujours lesquelles et surtout, elle ne sait pas quelles réactions adopter vis à vis d’elles. 

Nous évoluons donc dans deux univers émotionnels parallèles, tout en étant très proches. Et c’est autant déstabilisant qu’enrichissant finalement. 

Le choc de nos émotions

Moi, émotive ? 


Quand j’ai ouvert ce blog, vous le savez, le but était de raconter notre histoire avec ma fille. Au fil des mois, je me suis prise au jeu des confidences et au côté thérapeutique voir libérateur de l’écriture. Non pas que j’ai un style exceptionnel mais j’aime coucher sur une feuille (d’ordi) ce que j’ai au fond de moi. J’ai cette sensation que cela me libère d’un poids.

C’est pour cette raison que le principe du blog humeurs me convient parfaitement. Il y a une dimension que l’on ne retrouve pas forcément dans les blogs Lifestyle, à savoir, la sensibilité et le côté émotionnel. Je comprends d’autant mieux l’ampleur de mon côté émotif que j’élève une enfant à qui il faut en permanence décoder les émotions. On peut même dire que je suis devenue son décodeur à émotions. 


Le choc des émotions.


Sarah est très terre à terre: un chat, c’est un chat. Noir c’est noir. Et blanc, c’est blanc. Les nuances, vous irez les chercher ailleurs.

En revanche, je peux dire sans trop me tromper que je suis une personne sensible et très émotive. Je suis capable de pleurer devant une pub ou n’importe quelle émission de télé. 

Et c’est là que la confrontation de nos deux univers devient déstabilisante. Lorsque je chouine comme une fragile devant une quelconque scène un peu trop gnangnan de n’importe quel film, Sarah réagit toujours de la même manière:

Tu pleures ? 

Non, pas du tout !

Je ne vois pas de quoi tu parles 🙈

Pourquoi tu pleures ? 

Question légitime, pour elle, qui ne comprend réellement pas pourquoi les larmes me submergent subitement devant un film; donc devant une situation qui n’existe même pas pour de vrai.  

Parce que si cela ne n’existe pas pour de vrai, pourquoi pleurer ? ( Ben oui, suis-je bête !)

Évidemment, cela s’applique aussi aux émissions de télé où les situations sont un peu plus réalistes ( Encore que, pas toujours 😀).

Mais son incompréhension vis à vis de mes réactions reste invariablement la même. Elle me regarde et ce regard veut toujours dire la même chose. Comme si elle se nourrissait de mes attitudes pour apprendre comment faire par la suite ou pour mieux comprendre les choses, la prochaine fois.

De même, lorsque j’ai laissé mon fils dans son studio d’étudiant, je pense avoir battu tous les records en terme de production lacrymale.

Sarah est restée hyper stoïque, comme à son habitude. Mais, elle a fini par comprendre pourquoi je pleurais comme ça. Elle a compris la tristesse de ce jour. Et elle a compris que je ressentais une tristesse suffisamment importante pour me laisser aller à pleurer comme une enfant.

Est-ce qu’elle était triste de laisser son frère ? Non. 

Elle a juste dit:

C’est la vie ! Et on va le revoir bientôt. 

Logique ! 

On ne venait pas d’abandonner son frère. Il partait juste vers une nouvelle vie. Pas de quoi en faire un drame au fond. ( Oui, j’en ai fait un drame. Et alors 🙈)

Car Sarah est juste l’inverse de moi. Elle rationalise tout en dédramatisant tout ce qui se rapporte au côté purement émotionnel d’une situation. Dans ce cas précis, pleurer ne servait à rien vu qu’on allait le revoir.

Le choc de nos émotions

Mais alors, comment apprendre la couleur des émotions à son enfant autiste ?


Au fil des années, j’ai tenté d’apprendre à Sarah une seule chose: me demander des explications lorsqu’elle ne comprenait pas une situation de la même manière que moi. 

Ne croyez pas que cela se soit fait en un jour. Ni que tout soit absolument parfait et réglé à présent. Je me suis trop souvent retrouvée confrontée à un mur de silences et de non-dits hyper frustrants. Et ce, durant des années.

Aujourd’hui, elle sait me dire:

Je n’ai pas compris. 

Et vous n’imaginez même pas le progrès que cela représente. C’est une phrase que j’ai l’impression d’avoir attendu un siècle avant de l’entendre de sa bouche.

Merci d’ailleurs à Papa-psy qui a été un véritable élément déclencheur dans le déverrouillage de cet enfermement émotionnel. Cela a été un vrai travail d’équipe pour arriver à de petites victoires, comme le simple fait d’admettre que quelque chose lui échappe. Ou juste nous montrer qui elle est en réalité.

Car Sarah a toujours gardé les portes de son monde bien verrouillées et elle avait carrément jeté la clé. Tout le travail de son psychologue a été de l’apprivoiser pour au moins récupérer cette clé. Petit à petit, elle nous a donc laisser apercevoir ce qu’elle avait à l’intérieur; et elle a accepté de cohabiter avec cette incompréhension émotionnelle qui l’envahie quotidiennement.

Par exemple, un soir, nous regardions une émission où des parents pleuraient en voyant leur fille en robe de mariée. Sarah ne comprenait pas ces larmes.

Pour elle, les larmes sont synonymes de tristesse. Mais un mariage, ce n’est pas censé être triste. Je sentais qu’elle était perplexe, je l’ai observée.

 Maman, pourquoi tout le monde pleure ? 

Ils pleurent de joie, ils sont juste émus. 

On peut pleurer de joie ? 

Bien-sûr ! On peut pleurer de tout: de tristesse, de joie, de peur, d’émotion, de colère ou de fatigue. 

( La preuve, je pleure de tout 🤪)

Ah bon. D’accord. 

C’est comme ça avec Sarah. Elle observe et ensuite, elle demande car elle ne comprend pas vraiment toutes ces nuances des sentiments ou des émotions.

Avec moi, elle est servie en terme d’exemple. Je pleure à peu près pour tout et pour rien. Je suis donc une excellente prof en la matière !

Et je suis un véritable ascenseur émotionnel. Je ne maitrise pas du tout les sentiments divers et variés qui se présentent à moi. J’ai donc mis des années à comprendre ma fille et son mode de fonctionnement. 

Comment comprendre des émotions non décodées par son enfant ?

Comment comprendre des émotions non décodées par son enfant ?


Certains doivent se demander si Sarah pleure. Si elle a des émotions que moi, sa mère je ne comprends pas. La réponse est oui ! Mais j’ai appris à regarder les choses de la même manière qu’elle. Même si je vous avoue, que tout cela me dépasse encore trop souvent. ( Sinon, je ne serais pas en train de vous en parler.)

Sarah est une enfant qui pleure beaucoup. Et elle n’aime pas montrer qu’elle pleure; elle se retient. 

Les situations dans lesquelles cela arrive, sont toujours liées à une émotion négative. Elle va pleurer d’angoisse, de peur mais surtout de frustration. La frustration de n’avoir pas compris une situation en particulier.

Elle peut ainsi se sentir blessée face à une plaisanterie dont elle n’aura pas saisi la subtilité. Ou encore, être angoissée par une sensation qu’elle ressent dans son corps sans savoir nous l’expliquer de manière claire. 

Ces moments deviennent pour elle si angoissants, voir oppressants, qu’elle pleure de ne pas savoir nous exprimer son ressenti sur l’instant. Ses larmes deviennent alors sa seule manière de nous dire que quelque chose ne va pas. 

Il n’y a pas grand chose que l’on puisse faire dans ces moments-là, à part rassurer et consoler. La fameuse câlinothérapie ! Même si je me sens, le plus souvent, impuissante dans ces situations où il est très compliqué de mettre des mots sur une émotion en particulier.


Finalement, on a les mêmes émotions ou pas ?


Sarah est extrêmement émotive. C’est très paradoxale d’écrire cela quand on réalise que, finalement, elle ne s’émeut jamais de rien. Du moins, pas de la même manière que moi.

Elle me l’a d’ailleurs souvent dit. Tout ce qui se passe dans des films ou des émissions n’est tellement pas réel, qu’elle ne voit même pas l’interêt d’y mettre une quelconque implication émotionnelle. Et sans chercher l’intérêt, cela n’a absolument rien de naturel pour elle. Elle ne ressent rien ou ne sait pas si elle ressent quoi que ce soit. Cela revient donc au même, de son point de vue.

Dans la vraie vie, je ne saurais pas vous dire ce qu’il y a l’intérieur de son coeur car son cerveau ne coopère pas. 

Elle a un certain détachement face aux évènements qui lui sont extérieurs. Si cela ne la touche pas personnellement, tout est rationalisé et bien rangé dans une case que seule elle, peut entrevoir.

J’ai même fini par me demander si ma fille m’aimait. C’est dingue d’en arriver à se poser ce genres de questions. Bon, pas tant que ça quand on me connait un peu et que l’on sait que j’ai un besoin permanent d’être rassurée. 

Et si elle ne m’aimait pas ?

Et si elle ne m’aimait pas ?


Sa manière d’agir, peut parfois paraitre froide, sans empathie. Là encore, il faut la côtoyer de très près pour réaliser que ce n’est pas le cas.

Elle ne vous dira jamais:

Je t’aime.

ou 

Tu me manques. 

Moi qui ne suis pas avare de ce genres de phrases, j’en suis venue à douter de l’amour que me portait ma fille. ( Non, je n’ai aucun manque affectif, tout va bien 😬 )

J’en reviens à notre manière de fonctionner si différente. Moi qui exprime tout par les mots et elle, par les gestes et les attitudes.

Cela m’a pris des années à le comprendre. 

Lorsque ma fille veut me dire qu’elle m’aime, elle ne me le dit pas. Elle se blottit juste dans mes bras. Si elle me voit triste, elle va poser sa main sur mon épaule pour me dire:

Ça va aller.

C’est une vraie forme d’empathie. Inhabituelle pour moi mais si naturelle pour elle.

Je cohabite avec cette petite personne qui est mon exacte opposée dans la démonstration affective. Pourtant, elle a de l’amour à revendre. Elle ne sait juste pas l’exprimer de la même manière que moi. 

Ce n’est pas pour rien qu’elle a un contact inné avec les animaux. Avec eux, il n’y a pas besoin de paroles ou d’intellectualisation des sentiments. Elle sait s’y prendre mieux qu’avec les humains car aucun malentendu ne peut se mettre en travers de leur relation.

La couleur de nos sentiments

Pour conclure.


Les émotions sont un sujet passionnant. Je ne suis ni psy ni spécialiste de la question. Et je ne passe pas non plus mes journées à analyser la moindre des réactions de ma fille. Mais il m’est impossible, en tant que maman, de ne pas chercher à entrouvrir les portes de son univers. 

J’ai bien compris qu’elle avait saisi la joie, la tristesse et la colère. Ou encore l’amour et la haine. J’essaie juste de lui apprendre les nuances des émotions. La vie n’est pas en noir et blanc, notre coeur non plus. Il est tout en nuances et en couleurs. Je sais qu’elle les voit ces couleurs, mais sans parvenir à vraiment les interpréter. Du moins, pas encore.

J’aime bien dire, en plaisantant, que ma fille est une daltonienne des émotions. Cela résume plutôt bien nos différences à ce niveau.

Mais du moment que je ne vois pas la tristesse sur son visage, je sais que je n’ai pas à m’en faire. Son sourire est encore ce qu’elle utilise le mieux pour faire passer un message. 

Son message est qu’elle est heureuse comme elle est. 

Et quand je vois que son frère est un introverti pathologique, je me dis qu’aucun de mes enfants n’a hérité de mon émotivité maladive. C’est presque tant mieux pour eux car, franchement, pleurer comme une idiote pour tout et n’importe quoi, cela en devient presque ridicule à mon âge 😅

Et vous, vous êtes plutôt émotifs ou plutôt dans la retenue des sentiments ? Venez me dire ça en commentaires ou sur ma page Facebook. N’hésitez pas aussi à me suivre, ça fera plaisir à la petite fragile que je suis 😃

5 Comments

  • Audrey

    Coucou !
    Encore une fois un très bel article !! Il est vrai que cela ne doit pas être facile lorsqu’on ne « ressent » pas les émotions de la même façon. En tout cas, je pense que le meilleur conseil que tu as pu donner à Sarah est de lui dire qu’elle ne devait pas hésiter à demander ce qu’elle ne perçoit pas.
    Des bisous
    Audrey
    https://pausecafeavecaudrey.fr

  • Latmospherique

    Un sujet déjà passionnant en soi, les émotions. Et ton article y apporte un éclairage différent.
    J’ai passé une bonne partie de ma vie détachée de mes émotions. Il y a quelques années un évènement a fait que j’ai ouvert les vannes. Et je pleure très très facilement maintenant. Je n’en suis pas au point de partager mes émotions avec aisance, j’ai porté tellement de masques! Mais mes larmes coulent régulièrement aujourd’hui…
    Merci!

    • Carmel

      Continue de laisser parler tes émotions. Ça fait tellement de bien, et tu as dû certainement t’en apercevoir.
      Je suis contente si mon article a pu t’apporter un autre regard sur la question 😇
      Merci à toi pour ton retour si positif 😘

  • Fugu

    J’ai beaucoup aimé ton billet, il me « parle » d’autant plus que, si je n’ai pas d’enfant, je suis la compagne d’un autiste asperger. Et ça, je ne le savais pas en signant notre bail d’amour. 😀

    J’ai souffert des années de le voir si distant, si différent de moi qui suis, comme toi, capable de pleurer à la vue d’une publicité, en écoutant une musique triste ou en lisant un roman (parfois même pas bien écrit, faut juste que ça me touche). Lui me dit qu’il ressent un peu les choses durant les films (par exemple), mais que dès que c’est fini il « oublie » (moi j’imagine qu’il range ça dans un tiroir, quelque part en lui, en se disant que c’était sympa comme divertissement). J’ai souffert aussi qu’il me réponde « non, tu ne me manques pas, j’ai des choses à faire » quand ça faisait un mois qu’on ne s’était pas vus.

    Et puis le jour où j’ai entendu parler de l’autisme asperger, et qu’on a pu mettre des mots sur sa manière d’être, j’ai du apprendre à vivre avec, à changer, à accepter qu’il ne me dise pas forcément « je t’aime » (même si à son âge il a appris à s’adapter un peu plus aux autres) mais qu’il me le montre par ses propres moyens. J’ai appris aussi que quand je suis triste, que j’ai juste besoin d’être seule et de pleurer, je dois accepter que pour lui, la seule manière de me consoler est de me prendre dans ses bras, pas de me dire des mots ou de me laisser seule, car il n’arrive pas à le comprendre.

    Bref, je ne vais pas te raconter toute ma vie, d’autant que tu dois très bien voir de quoi je parle. En tout cas merci pour ce billet, je continue tous les jours à apprendre des choses sur mon amoureux (déjà 10 ans passés de vie commune, pourtant !) et sur sa manière tellement différente de la mienne de voir le monde. Et c’est en partie grâce à toi, et à ton blog. 🙂

    • Carmel

      Je suis très touchée que mes petits articles te permettent de mieux comprendre ton chéri 😊
      Je comprends chaque étape par lesquelles tu as dû passer et j’imagine à quel point cela a été déstabilisant pour toi. Ce n’est tellement pas évident de regarder le monde avec une autre paire de lunettes. D’autant plus lorsque l’on parle du monde des émotions et des sentiments.
      Et on est tellement intrigué face à des personnes qui ne fonctionnent pas comme nous que l’on ne peut pas s’empêcher de chercher à les comprendre.
      Parfois, il faut juste laisser aller et lâcher prise. Même si c’est plus facile à dire qu’à faire.
      Continuons donc de pleurnicher devant des films face au regard ébahis de nos proches respectifs 😄
      Plein de bisous 😘

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