Syndrome de Turner - Elodie
Témoignages

Le syndrome de Turner: Entretien avec Élodie P, 38 ans


Aujourd’hui, je vous propose un entretien avec Elodie P, 38 ans et atteinte d’un syndrome de Turner.

Si vous me suivez, vous savez que je suis la maman de Sarah, 14 et demi, atteinte d’un syndrome de Turner. (Et si vous ne me suivez pas, je vous l’apprends et vous invite à découvrir notre histoire que je déroule au fur et à mesure de mes articles.)

Il y a quelques jours, grâce à l’association Turner&Vous, j’ai eu la chance de m’entretenir avec Laurine, une adorable jeune femme de 32 ans atteinte elle aussi d’un syndrome de Turner. (Je vous mets le lien ici)

Cet entretien a donné lieu à un article qui vous a beaucoup plu. En effet, Il est parmi les plus lus du blog.

Dans cet article, j’ai lancé un appel à témoignages qui a été entendu au delà de mes espérances. 

Je vais donc entamer une nouvelle série sur le blog, à savoir des entretiens avec des personnes touchées de près ou d’un peu plus loin par le syndrome de Turner. (Et pourquoi pas, plus tard, élargir à d’autres domaines? Bon, je m’emballe, ce n’est pas le sujet!)

Pour l’heure, faisons un peu mieux connaissance avec Elodie.

Elodie est atteinte d’un syndrome de Turner dans sa forme complète, découvert à sa naissance. En effet, la présence d’oedèmes sur ses pieds ont alerté le pédiatre, à l’époque, et un cariotype a été réalisé confirmant le diagnostic.

Elodie n’a pas de problèmes de santé particuliers en dehors d’otites à répétition lorsqu’elle était plus jeune.

Elle a été la première à me contacter afin d’apporter son témoignage et j’en suis très heureuse. 


Entretien avec Élodie P, 38 ans et atteinte d’un syndrome de Turner.


Le syndrome de Turner: entretien avec Élodie

Pourrais-tu te présenter en quelques lignes?


J’ai 38 ans. Je suis née dans une petite ville de Bourgogne. J’ai donc eu beaucoup de chance que le médecin connaisse le syndrome de Turner. 

En province, il y a presque 40 ans ce n’était pas gagné.

Je suis la petite dernière, j’ai un frère et une sœur aînée.

Je suis secrétaire depuis 10 ans. Je suis passionnée de lecture, musique et théâtre.


As-tu des problèmes de santé liés à ton syndrome?


Dans mon enfance je faisais des otites à répétition, mes tympans s’effritaient. 

On était à deux doigts de la greffe de tympans. Mais heureusement, j’avais un super ORL, qui, avant d’en arriver là, m’a fait faire des cures thermales. Cela m’a sauvée!

Mes tympans ce sont régénérés et j’ai regagné mon audition perdue. Je n’ai plus fait d’otites et pas eu besoin de greffe. 

Je recommande vraiment d’essayer les cures!

Sinon j’ai la chance de ne pas avoir de problèmes cardiaque, pulmonaire, rénaux ou autres.


Tes parents ont appris ton syndrome à ta naissance.

Sais-tu comment ils l’ont vécu à cette époque où on était quand même moins informé?


Ils ont été assez sonnés sur le coup car ça fait beaucoup à apprendre d’un coup: stérilité, petite taille, problèmes de santé possibles…

Mais ils ont vu que je me développais normalement intellectuellement et que je n’avais pas de soucis particuliers à part des otites à répétition. 

On ne leur a pas parlé de traitement par hormones de croissance, je pense qu’à l’époque (1981) c’était les tout débuts avec les hormones extractives.


As-tu finalement été traitée par hormones de croissance? Quelle taille fais-tu?


J’ai eu des hormones de croissance (synthétiques et pas extractives) de l’âge de 9 ans à 14/15 ans. 

Aujourd’hui je mesure 1,47m. Je ferais une tête de moins si je n’avais pas eu le traitement, car mes parents ne sont pas très grands.


Tu as commencé les hormones de croissance à l’âge de 9 ans. Ma fille a commencé à l’âge de 4 ans.

Était-ce en raison du scandale qui a frappé les hormones de croissance que tes parents ont attendu ou simplement, tu n’avais pas encore cassé ta courbe de croissance?


J’avais déjà bien cassé ma courbe de croissance. Mais aucun médecin n’avait parlé des hormones de croissance à mes parents. 

À l’époque, il n’y avait pas Internet pour faire des recherches sur cette maladie.

Lorsque nous avons déménagé dans le Var, notre médecin généraliste m’a adressée à la Timone à Marseille chez un endocrinologue qui à parlé des hormones de croissance. 

C’était les tests des hormones de croissance synthétiques. J’ai fait partie des cobayes. 

J’ai donc échappé aux hormones extractives et aux risques qui allaient avec. 

C’est une chance de ne pas avoir été traitée plus tôt.

Ma mère me faisait les piqûres, puis vers l’âge de 11 ans j’ai appris à les faire moi-même. 

A l’époque, il n’y avait pas de stylos; une bonne vieille seringue et il fallait mélanger poudre, liquide et doser.


Ton endocrinologue à la Timone, ce n’était pas le docteur Simonin? Ma fille a été suivie par ce médecin de sa naissance jusqu’à son départ en retraite, il y a deux ans et il était super. Je le regrette beaucoup.


Effectivement et il était génial ! J’ai été très bien suivie à la Timone. Les infirmières étaient extra aussi !


Lorsque tu étais petite, te sentais tu différente des autres enfants? Si oui pourquoi?


Je ne me suis jamais sentie différente à cause de mon syndrome. 


As-tu eu des problème de socialisation ou des troubles des apprentissages?


Je n’ai eu aucune difficulté à l’école. 

J’ai su lire parfaitement en 6 mois et je n’ai jamais redoublé jusqu’à la Fac. 

J’ai obtenue un Bac L et je suis allée en Fac de lettres. J’ai quitté la maison à 18 ans pour faire mes études.

J’ai toujours eu des ami(e)s . 

Je suis présidente de ma chorale et déléguée départementale du Mouvement du Nid (on vient en aide aux personnes en situation de prostitution). Je suis également au comité national de cette association. J’ai fait du théâtre. Donc non, je n’ai pas de problèmes relationnels. 


Contrairement à ma fille ou à Laurine, tu n’as aucun trouble de la socialisation et as toujours eu des amis. Comment as-tu vécu l’arrivée de la puberté?

Te sentais-tu en décalage par rapport à tes amies? As-tu eu une puberté spontanée? Si ta puberté a été déclenchée, à quel âge l’a-t-elle été?


Ma puberté à été déclenchée quand on a arrêté les hormones de croissance, vers l’âge de 15 ans. Donc oui, j’étais physiquement en retard. Mais ça ne m’a jamais gêné. En revanche, j’ai été heureuse d’avoir enfin de la poitrine, et même mes règles!


Je constate que tu as donc toujours très bien vécu ton syndrome. Tu ne t’es jamais sentie en décalage avec tes camarades au moment de la puberté et c’est super!

Au niveau de la taille: cela te pose-t-il un problème d’être plus petite que la moyenne ou au contraire, tu n’y prêtes pas attention?


J’ai toujours très bien accepté mon syndrome et ma taille. C’était un peu plus dur au collège, mais sans plus. 

J’en plaisante beaucoup. Dans les magasins je demande de l’aide si besoin, ou je monte sur les présentoirs.

J’ai été en coloc avec un gars très grand; on s’était juste réparti les placards: lui en haut et moi en bas. 

Et puis, les escabeaux et échelles ne me font pas peur.

Pour les vêtements c’est parfois un peu plus compliqué pour les pantalons. Alors c’est pantacourt ou ourlets!


On va parler d’un sujet un peu plus délicat: la stérilité.

Qui t’a annoncé que tu serais stérile et comment l’as tu vécu lorsque tu l’as su? 

À présent que tu es adulte, comment le vis-tu? Désires-tu des enfants et si oui, as-tu entrepris des démarches dans ce sens?


J’ai appris la stérilité lors d’une réunion de l’association Agat, j’avais 11 ans. 

Mes parents le savaient déjà mais ils n’avaient pas osé m’en parler. 

Je l’ai plutôt bien pris. J’ai tout de suite pensé que si je voulais un enfant un jour j’adopterais. 

Je ne me suis jamais sentie de faire la PMA (procréation médicalement assistée).

Aujourd’hui je ne me sens pas l’âme très maternelle. Je manque de patience, et ne me sens pas forcément capable d’élever un enfant. 

Ne pas avoir d’enfant n’est pas un problème, un manque. Je verrai si je rencontre le bon un jour. 

Après, quand des proches sont enceintes, ça me fait quand même quelque chose.


Lorsque tu es en couple, est-ce un sujet que tu abordes rapidement avec la personne? Cela a-t-il déjà posé problème dans une relation amoureuse? (Fuite de l’autre personne par exemple) Ou au contraire, cela n’a jamais eu d’impact et tu as toujours été soutenue?


Oui je parle de mon syndrome et de la stérilité relativement rapidement.

J’ai eu un peu toutes les réactions, mais le plus souvent de la compréhension, voir un certain soulagement (Style: « ouf pas d’enfant dans le dos. » )


Tu es en couple?


je suis actuellement célibataire mais le syndrome de Turner n’a jamais été un problème dans ma vie sentimentale et sexuelle.


Comme je l’expliquais à Laurine, j’ai tendance à ne pas voir ma fille comme une ado de 14 ans et demi et, de ce fait, je la traite encore inconsciemment comme une petite fille. Elle est d’ailleurs encore très petite fille.

Tes parents arrivaient-ils à te considérer en fonction de l’âge que tu avais ou te couvaient-ils plus que tes frères et sœurs? 


Mes parents ont eu tendance à me surprotéger, c’est vrai.

Il a fallu que je m’impose un peu pour faire valoir mon avis lors de discutions quand j’étais ado et jeune adulte. 

Mais j’ai toujours été plutôt indépendante et volontaire. Donc ils ont compris et n’ont pas fait de moi quelqu’un de timide et manquant de confiance. Je n’avais qu’une envie c’était de quitter la maison après le bac! 


J’ai l’impression que tu vis d’autant mieux ton syndrome que tu n’as pas de problèmes annexes comme une cardiopathie, des troubles des apprentissages ou autres.

Penses-tu que le fait de n’avoir que les problèmes endocrino soient la raison pour laquelle tu vis mieux les choses que certaines turneriennes ou que cela vient plutôt de la manière dont, nous parents, vivons les choses? 

Je ne sais pas si c’est clair ce que je dis.

Je m’explique avec un exemple perso: ma fille a beaucoup de problèmes de santé liés à son syndrome (cardiopathie opérée à deux jours de vie, troubles des apprentissages, troubles du comportement, etc.). Du coup, je suis souvent inquiète et angoissée car j’ai la sensation que tout est compliqué. Mon comportement avec elle s’en ressent dans la mesure où je mets tout en œuvre pour l’aider au mieux. J’ai conscience que sa vie n’est pas « normale » mais j’essaye de m’adapter au mieux à ses difficultés. (Suivi orthophonique, suivi psy, suivi cardio, suivi endocrino, suivi dermato, suivi ophtalmo, etc.).

Bref, en gros: penses-tu que plus il y a médicalisation (obligatoire pour le coup) et plus c’est compliqué de vivre avec le syndrome de Turner?


C’est certain que c’est beaucoup plus facile quand, comme pour moi, la santé va bien. 

Je n’ai pas été tout le temps dans les cabinets médicaux. Donc il n’y avait pas d’inquiétudes pour mes parents ou pour moi. 

En tous cas ne culpabilise pas, ta réaction est juste humaine, celle d’une mère. 

Essaie juste de ne pas trop faire passer ton angoisse à ta fille. Plus tu lui montreras qu’elle est «normale» (je n’aime pas ce terme mais je ne sais pas comment dire autrement…) malgré ces problèmes plus elle aura confiance en elle et osera faire des projets et prendre son indépendance.

Comment est-ce qu’elle vit tout ça? Est-ce qu’elle se rebelle quand tu as tendance à la couver ?

Non, elle ne se rebelle pas. Elle aime être couvée car elle est très anxieuse. 

Je suis tout le temps en train de tout dédramatiser avec elle car elle psychote pour un oui ou pour un non 

Mais c’est compliqué avec Sarah car elle n’a pas d’ami(e), elle n’aime que la compagnie des animaux ou des adultes. En fait, Elle ne se projette pas autonome.

Par exemple, Quand je lui dis qu’un jour elle devra se débrouiller toute seule, elle me répond qu’elle préfère rester avec moi. Elle est encore très petite fille donc je pense que le jour où sa puberté sera déclenchée, elle mûrira. Sinon, elle est hyper contente que j’ai ouvert un blog pour parler du syndrome de Turner et de son parcours. Elle se sent écoutée et elle aime voir les témoignages des autres turneriennes.

Peut-être que si elle pratiquait une activité (sport, musique, dessin…) ça lui permettrait de rencontrer du monde ?

J’ai bien sûr essayé de lui faire pratiquer des activités mais elle refuse tout en bloc. 

Moi aussi j’ai toujours été à l’aise avec les adultes, mais rien à voir avec le syndrome. Mes parents m’ont eu tard, et mon frère et ma sœur sont beaucoup plus âgés que moi. Donc j’étais entourée d’adultes.


Est-ce tu penses que ta vie aurait été différente sans ce syndrome? Si oui, en quoi?


En réalité, je ne sais pas si ma vie aurait été différente…

Si je devais imaginer une différence c’est peut-être que j’aurais eu un caractère moins fort…

Un médecin m’a dit un jour que les turneriennes qui viennent au monde sont des battantes car il y a beaucoup de fausses couches.


Pourquoi as-tu eu envie de témoigner? J’ai ma petite idée: Je pense que tu as voulu montrer que l’on pouvait avoir une vie complètement normale tout en ayant ce syndrome mais je me trompe peut-être.


Effectivement, tu as tout compris!

En lisant les témoignages sur le Facebook de Agat, j’ai constaté qu’il y avait beaucoup de pessimismes, d’angoisses et de questions.

Ainsi, j’essaie d’apporter une autre vision, sans minimiser les épreuves rencontrées par certaines turneriennes. 

Mais, je le répète, j’ai totalement conscience d’avoir beaucoup de chance!

Pour conclure, je vais te poser la même question qu’à Laurine: qu’aimerais-tu dire à des parents qui viennent d’apprendre que leur enfant est atteint du syndrome de Turner?

Je souhaiterais leur dire qu’il ne faut pas se désespérer.

Nous sommes nombreuses à mener une vie heureuse et épanouie, même si nous sommes toutes uniques. En réalité, il n’y a pas de règle dans les conséquences du syndrome de Turner et dans la manière de le vivre. 

Donc se renseigner c’est très bien, mais l’essentiel c’est leur fille et sa spécificité.  

Enfin, il faut éviter la tentation de surprotéger. Mais j’imagine que c’est plus facile à dire qu’à faire.

Merci infiniment Elodie, j’ai vraiment apprécié de discuter avec toi. J’aime beaucoup ton témoignage qui nous montre que chaque parcours est différent et que vivre avec le syndrome de Turner peut aussi être moins compliqué que prévu.

Le syndrome de Turner: entretien avec Élodie

Pour conclure.


J’ai encore des témoignages sur le syndrome de Turner à partager avec vous. Mais n’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez participer à ce format d’articles. En effet, que vous soyez parent d’une enfant atteinte du syndrome de Turner, atteinte du syndrome de Turner vous-même ou soignant, toute expérience m’intéresse.

Je pense que c’est très enrichissant de discuter ensemble de nos différents vécus et si cela peut aider ne serait-ce qu’une personne, je serais ravie.

Enfin, je vous invite à me suivre sur le blog, sur ma page Facebook ou sur Instagram afin d’être informés de la parution d’un nouvel article. Cela m’encouragera à continuer de vous proposer du contenu. De plus, si vous souhaitez que j’aborde un thème en particulier, j’écoute volontiers vos suggestions.

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