Le syndrome de Turner: Entretien avec Marine, 30 ans
Dans ce nouveau témoignage, je vous propose un entretien avec Marine, 30 ans et atteinte du syndrome de Turner dans sa forme complète (45X0).
Son syndrome a été découvert à l’âge de 6 ans; elle a été traitée par hormones de croissance de ses 6 à 18 ans. Marine a également été opérée du coeur à 4 mois et souffre de problèmes d’audition.
Elle a mené une scolarité normale et obtenu un bac + 4. Actuellement, elle travaille à temps complet au ministère des armées et elle est célibataire.
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Partons maintenant à la rencontre de Marine, 30 ans, pour en savoir plus sur sa vie avec le syndrome de Turner.
Entretien avec Marine, 30 ans et atteinte d’un syndrome de Turner.
Peux-tu m’en dire plus à propos de ton problème cardiaque?
J’ai eu une communication intra-ventriculaire (CIV). La cloison entre le ventricule et l’oreillette n’était pas totalement faite. J’ai donc été opérée car je ne pouvais pas vivre comme ça. L’opération a été très bien faite. Je n’ai pas besoin de me refaire opérer.
Donc, il n’y a plus aucune séquelle aujourd’hui? Tu as encore des contrôles?
Oui; j’ai un contrôle tous les deux ans sur le plan cardiaque. Mais tout va bien.
Comment a été découvert le syndrome? Était-ce à cause d’un retard de croissance ou de problèmes de santé?
C’est ma maîtresse de maternelle qui a dit à mes parents que je n’avais pas grandi.
Et comment s’est passée la suite? Tes parents ont consulté?
Oui; j’ai été voir un endocrinologue qui m’a fait faire un âge osseux.
Et après j’ai été suivie à l’hôpital Robert Debré.
On va parler de ton enfance. Te sentais-tu différente à l’école?
Non pas du tout. Mes parents m’ont toujours tout expliqué. J’avais une piqûre le soir. (les hormones de croissance)
Mais sinon je vivais comme tous les autres enfants.
Et tes problèmes de santé n’avaient pas de répercussions sur ta vie quotidienne?
Non. Mis à part la piqûre, je ne voyais pas de différences.
Tu mesures combien du coup?
Je mesure 1m50.
C’est l’objectif que l’on s’est fixé pour ma fille, j’espère que l’on y arrivera
J’espère pour elle. Mais vous allez y arriver !
Concernant la puberté: est-ce une période qui t’a posée problème? (Décalage par rapport à tes copines ou autre)
Oui, c’était une période un peu compliquée car on m’a donné le Climaston assez tard.
Et j’ai eu une période d’anorexie donc ma poitrine a eu du mal à se developper. Au final elle s’est bien développée et j’ai eu mes règles sans trop de douleurs.
Mais forcément c’est compliqué pour une jeune fille de ne pas être comme les autres. Et surtout par rapport aux garçons.
Tu te sentais ado dans un corps de petite fille ou carrément petite fille à tous les niveaux?
J’ai toujours été très mature. Donc une ado dans un corps de petite fille.
Le déclenchement de la puberté a dû être un soulagement pour toi?
Oui ! Après mes parents m’avaient préparée à ça.
C’est important que les parents informent bien. Je dis aussi tout à ma fille.
À quel âge as-tu appris que tu serais stérile? Comment l’as tu vécu?
Je l’ai appris très tôt. Je l’ai bien pris car on m’a expliqué les différentes manières de devenir maman. C’est à mon âge que c’est le plus compliqué. Le fait de voir ses copines enceintes. Mais je ne perds pas espoir d’être maman un jour.
As tu entamé des démarches pour être maman?
Non; j’espère déjà trouver un papa. Néanmoins, j’ai déjà regardé et je me suis renseignée. J’y pense de plus en plus.
On va revenir un peu en arrière. Comment tes parents ont vécu l’annonce de ton syndrome?
Ça a été un peu compliqué à l’annonce. Mais ils ont très vite vu que j’étais une enfant comme une autre. Ils m’ont quand même beaucoup protégée.
Justement, le fait d’être très protégé par tes parents ne t’a pas empêchée d’être mature? On dit souvent que les petites Turner sont très petites filles, en partie car les parents ont tendance à les surprotéger?
Je fais jeune mais, dans ma tête j’ai 30 ans. J’ai été protégée mais pas sûr-protégée. J’ai été élevée comme ma grande sœur. Juste un peu plus surveillée mais sinon ils n’ont pas fait de différence.
Concernant les problèmes de santé liés au syndrome: tu m’as dit avoir été opérée du cœur et avoir des problèmes d’audition. Ces problèmes d’audition sont liés à des otites ou à autre chose?
J’ai eu beaucoup d’otites petite. Mais j’ai surtout 30% d’audition en moins. J’ai donc un appareil auditif.
Je pensais que les problèmes d’audition (enfin, c’est ce que les médecins m’ont dit en fait) n’étaient liés qu’aux otites à répétition dans l’enfance.
C’est peut être lié mais j’ai ce problème depuis toute petite. En revanche, cela ne m’a pas n’empêchée de suivre à l’école et de faire des études 😊
Tu n’as pas eu de problème pour être appareillée? Laurine, que j’ai interviewée il y a quelques semaines, me disait ne pas se sentir prête à assumer un appareil auditif. De ton côté, cela ne te gêne pas?
Au début j’ai eu du mal à accepter. Mais j’ai tout de suite vu l’aide que cela m’apportait. J’essaie de le cacher avec mes cheveux longs.
Lorsque tu étais à l’école, avais-tu des troubles des apprentissages? (On en rencontre souvent chez les Turner)
Du tout ! J’ai eu un bon parcours scolaire.
Ni de troubles de la socialisation?
Non; je suis quelqu’un de très sociale, je fais du théâtre.
Est-ce que le syndrome de Turner t’as empêchée, ou t’empêche encore d’avoir une vie amoureuse épanouie?
Oui; le syndrome m’empêche d’avoir une vie amoureuse épanouie. Je culpabilise.
Est-ce compliqué d’annoncer à son partenaire que l’on ne peut pas avoir d’enfant? Est-ce un sujet que tu abordes facilement?
Pour moi, c’est un sujet important. Il faut en parler. Pas forcément au premier rendez-vous évidement mais très vite. Pour moi, c’est difficile mais une fois que c’est dit, c’est un soulagement.
Tu m’as dit vouloir témoigner afin de montrer que l’on pouvait avoir une vie normale en ayant le syndrome de Turner. Penses-tu que ta vie aurait été différente si tu ne l’avais pas eu et si oui en quoi? ou au contraire pas du tout.
Je ne pense pas que j’aurais eu une vie très différente. Juste plus de centimètres
Parles-tu facilement et librement de ton syndrome ou préfères-tu le cacher?
j’en parle facilement et librement. Je n’ai pas honte de la fille que je suis
Quel est, selon toi, le principal impact du syndrome dans ta vie quotidienne, s’il y en a un?
Le principal impact, c’est ne pas avoir d’enfants.
Que penses-tu des médecins qui proposent l’avortement à des femmes venant d’apprendre que leur bébé est porteur du syndrome de Turner? Tu penses que c’est lié à l’immense diversité des cas que l’on ne peut pas prévoir à l’avance ou à une totale désinformation? (Ou les deux)
Je trouve cela horrible ! Je pense que c’est dû à une mauvaise information.
Que voudrais-tu dire justement à des parents qui viennent d’apprendre que leur enfant à un syndrome de Turner?
J’aimerais leur dire que la vie est belle ! Nous sommes des filles comme les autres.
Certes, nous devons être plus suivies mais nous avons une vie comme tout le monde.
On me dit souvent que ça ne se voit pas du tout. A part ma taille, je vis comme toutes les filles.
Et surtout, ne culpabilisez pas. Parlez beaucoup avec elle.
Dites lui tout, ne cachez rien. Elle apprendra à vivre avec et tout ira bien.
Pour conclure.
Merci infiniment à Marine d’avoir accepté de répondre à mes questions.
N’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez participer à ce format d’articles.
En effet, que vous soyez parent d’une enfant atteinte du syndrome de Turner, atteinte du syndrome de Turner vous-même ou soignant, toute expérience m’intéresse.
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