Au pays des angoisses de ma fille
Je viens de passer deux semaines un peu compliquées au pays des angoisses de ma fille.
Je tiens toujours un journal de bord de nos semaines pour le psychologue de Sarah. D’ailleurs, ceux qui me suivent depuis le début, savent que ce blog a commencé comme ça et grâce à lui.
Aujourd’hui, je continue de lui écrire les évolutions de Sarah, mes états d’âme, mes réflexions, mes questions, mes anecdotes de vie, enfin tout ce qui pourrait être utile en séance avec elle. Et même si cela n’est pas utile, au moment où j’écris, ça me vide le coeur et l’esprit. Donc, cela devient un peu utile pour moi, finalement.
Alors pourquoi ne pas partager certaines choses avec vous ?
Car au fond, vous en savez beaucoup sur notre histoire. Et derrière cette histoire, il y a aussi un quotidien parfois moins lisse qu’un simple article. Une vie faite de hauts et de bas dont je n’ai pas honte.
Je vais donc piocher, ici où là, quelques extraits de mes journaux de bord de ces deux semaines de folie que Sarah nous a fait passer.
Et cela montrera aussi une réalité où je perds parfois mon sang froid, de nerfs et de fatigue. ( Je n’en suis pas très fière mais c’est aussi ça, la vraie vie.)
Ainsi, vous aurez une idée de ce que l’on vit avec elle lorsqu’elle est dans des périodes de moins bien. Et lorsque je le suis également.
Peut-être que cela pourra aussi aider d’autres parents dont les enfants rencontrent le même genre de problématiques que nous.
Avoir une enfant autiste et anxieuse est aussi enrichissant que fatiguant. Il est donc intéressant de vous montrer que, parfois, je perds patience, j’ai peur et je ne sais pas toujours quoi faire.
Morceaux choisis au pays des angoisses de ma fille.
Il y a dix jours, Sarah vient me voir:
C’est normal que ma vue s’assombrisse d’un coup lorsque je me lève ?
Tu fais certainement des petites chutes de tension. Ça arrive à tout le monde, pas de panique !
Deux jours plus tard, elle revient me voir ( oui enfin, je n’étais pas très loin 😬)
Maman, hier soir, quand j’étais dans mon lit, j’avais l’impression qu’il bougeait alors que je ne bougeais pas. Et quand je suis allée prendre ma douche tout à l’heure, j’y voyais sombre, comme si j’étais éblouie. Et le sol continue de bouger.
Je pense que tu as des petits vertiges ou que tu tangues. Ça peut arriver quand on est fatigué.
( Et elle était fatiguée à ce moment-là.)
Je précise que j’ai évité la parano car Sarah est très suivie médicalement et ses derniers bilans dataient d’il y a moins de deux mois.
Je tente alors un dialogue avec elle pour essayer de comprendre si à présent elle y voit bien.
Et c’est là que les choses se compliquent.
Sarah n’est pas du tout capable de me dire si elle y voit clair ou si elle tangue toujours. Elle ne sait pas.
Elle ne fait pas vraiment la différence entre les diverses sensations de son corps. Du moins, elle en perçoit difficilement les nuances. On se retrouve alors très démunis car on n’a pas les réponses adaptées. Elle n’a pas les mêmes perceptions que nous à ce niveau alors c’est toujours compliqué d’avoir des réponses précises sur ce qu’elle ressent réellement.
Elle se met à pleurer en m’avouant qu’elle a peur d’avoir un cancer du cerveau. ( Rien que ça 🤪)
Ressentir quelque chose d’inconnu engendre systématiquement larmes et angoisses.
Il était minuit, son frère venait d’arriver pour le week-end.
Je vérifie sa tension et elle était normale. Je lui propose que nous allions aux urgences pour la rassurer. Entre deux sanglots, elle refuse. Honnêtement, si j’avais pensé qu’il y avait un truc grave et inquiétant, je lui aurais imposé d’y aller. Mais je commence à savoir quand je dois vraiment m’inquiéter ou non.
Je ne cède donc pas à la panique et je tente de la rassurer:
Sarah, on va faire un test. Donne-moi la main, on monte dans la salle de bain et tu vas me dire si tu y vois bien et si le sol bouge; vu que tes symptômes ont potentiellement commencé sous ta douche.
Incapable de me répondre, j’en conclue avec elle que si vraiment elle était dans le noir, elle le saurait.
Comme elle n’arrêtait pas de pleurer, je sors l’arme de réassurance ultime:
Et si on se mettait un film bien idiot dans ma chambre en faisant un gros câlin ?
Il était bien plus de minuit mais je sentais qu’elle ne s’endormirait pas de si tôt, pas angoissée comme ça. Alors, c’est ce que nous avons fait.
Mon mari était en panique mais il ne disait rien. Il me laissait gérer car s’il s’était écouté, il l’aurait emmenée direct aux urgences.
Sarah s’est blottie dans mes bras. Elle a fini par se calmer et ses symptômes étaient un peu moins présents.
Finalement, elle est partie se coucher après le film, un peu plus sereine, à plus de 2 heures du matin. ( Un film vraiment nul pour le coup 😄 ).
Et moi, j’ai très peu dormi car c’est un peu compliqué de ne pas s’inquiéter du tout. Elle a quand même réussi à me faire douter mais je n’ai rien dit. Je décide alors de la surveiller d’un peu plus près. (Si des fois c’est possible d’être encore plus proche d’elle.)
Le dimanche soir de l’angoisse.
Ce soir là, j’ai littéralement perdu patience. Et je me déteste quand je fais ça…
Sarah avait fait une tête de quatre pieds de long toute la journée. Son visage était complètement fermé, malgré tout ce que je tentais de faire pour lui changer les idées et qu’elle ne pense plus à ses histoires de vertiges ou de tangages.
Je l’ai chouchoutée un très long moment dans la salle de bain et mis un pull de noël car elle adore ça. Je l’ai aidée à mettre en ordre ses idées sur une histoire qu’elle voulait écrire. On a passé le salon en mode noël et décoré le sapin tout l’après-midi. Je pensais que ça allait mieux.
Pendant le dîner, elle avait cet air de panique sur le visage. Cet air que je connais par coeur.
Sarah, explique-moi le plus précisément possible ce que tu ressens. Tu te sens comme sur un bateau? Tu as l’impression que le sol bouge? Les murs bougent? Mime-moi avec des mouvements de ton corps ce que tu perçois afin que je comprenne mieux.
Ben non, je bouge pas.
Oui, je sais que tu ne bouges pas, c’est l’impression que tu as. Montre moi avec ton corps ce que tu as l’impression de ressentir.
Ça bouge pas, j’y vois bien. Enfin je crois, je ne sais pas.
Et là, j’ai disjoncté !
Comment on peut ne pas savoir si on tangue? Demain, on va chez le médecin et je prends RDV pour un scanner cérébral !
Je venais de prononcer la phrase de trop; celle qui allait amplifier ses angoisses.
Elle a pleuré durant tout le repas.
Ses non réponses ont fini par me taper sur les nerfs et j’ai réagi de manière disproportionnée et inappropriée. Je sais pourtant que crier ne sert à rien.
Mais il faut dire que c’est difficile de supporter H24 les angoisses, les peurs, les silences, les «je ne sais pas si j’ai faim, froid, chaud, mal ( au choix ) »; les « bof » quand je demande si ça va mieux, les insomnies, enfin, tout ce qui fait que, bien souvent, je ne la comprends pas du tout. Et tout ce qui fait que je finis par être fatiguée.
Je n’ai aucune excuse à cette perte de patience mais cela faisait trois jours qu’elle me disait tout et son contraire entre deux crises de larmes.
J’en ai eu marre. D’un coup. Et elle ne m’en voulait même pas ! Et ça aussi ça m’a énervée. J’aurais bien aimé qu’elle m’en veuille de ne pas être parfaite. Mais même pas.
Tu sais maman, ce n’était pas la peine de t’énerver comme ça.
(Heu ? C’est vrai ? 🤪🙈)
J’en étais au point où je me suis énervée car elle m’avait transmis son stress et réussi à me mettre en tête qu’elle avait peut-être un vrai problème.
Et bien sûr, elle refusait que je l’emmène chez le médecin me disant:
Je n’ai rien !
( Mais en fait, j’ai surtout peur que le médecin me trouve un truc !)
Je sais que ce n’était pas à elle de décider. Mais il était absolument impossible de la raisonner à cet instant précis.
J’ai eu l’impression de revenir 6 ans en arrière où elle somatisait tous les soirs et où on avait un abonnement chez SOS médecin…
Pourquoi était-elle entrée subitement dans une phase d’angoisses ? Je ne savais pas. Elle a d’ailleurs fini par me faire douter que cela en soit vraiment.
Il était alors grand temps de stopper ce cercle vicieux et de consulter. Je ne voyais aucune autre solution.
Son psychologue était parfaitement d’accord avec la démarche.
On prend les choses en main.
Avec son père, on décide alors de mettre en place un bilan médical complet afin de stopper cet état de stress dans lequel elle se trouvait et dans lequel elle avait fini par nous mettre aussi.
Et même si son psychologue avait réussi à l’apaiser (et à me déculpabiliser de mon pétage de plombs de la veille ), il fallait aller plus loin pour faire redescendre la pression. Le dialogue ne suffisant pas à la rassurer, il n’y avait plus que des médecins qui pouvaient le faire.
Nous avons donc fait un bilan Ophtalmo, un scanner cérébral et un bilan ORL en moins d’une semaine.
Je sais que nous partons un peu loin au niveau des examens médicaux. Mais avec Sarah, il faut toujours avoir un doute du fait de sa pathologie cardiaque, de son syndrome de Turner et de son traitement par hormones de croissance qui n’est pas anodin pour l’organisme (surtout après dix ans d’injections quotidiennes).
Il a fallu expliquer à chaque professionnel de santé que Sarah avait été diagnostiquée autiste et que nous ne savions donc pas exactement la teneur de ses symptômes ni leur véracité. Elle ressentait bien quelque chose d’inhabituel mais elle verbalisait difficilement quoi.
Tous les examens étaient évidemment normaux. La piste de l’anxiété généralisée était donc la bonne ?
Ce que je peux vous dire c’est que ces deux dernières semaines ont été nerveusement fatigantes car vous finissez par ne plus avoir confiance en votre instinct.
Il se crée une atmosphère anxiogène à la maison où tout le monde devient irritable et où on finit par perdre patience.
Ce n’est pas tous les jours facile d’être un parent soignant. Il y a des moments où on n’assure plus du tout et où on voudrait juste rester couché.
Pour conclure.
Toutes les causes graves ont été éliminées alors la vie va pouvoir reprendre son cours normal. Et c’est d’ailleurs un peu le cas depuis que je lui ai ouvert son blog où elle publie ses petites histoires. Cette nouvelle activité a fait diversion et elle ne pense plus à ses angoisses ni à ses vertiges.
La crise est passée.
Je termine de rédiger avec le sourire car durant deux semaines, il a fallu gérer des peurs irraisonnées, comme cela arrive bien souvent avec ma fille.
J’ai écouté, rassuré et stressé un peu, aussi. Je me suis énervée, calmée et on a enclenché une batterie d’examens qui étaient le seul moyen de stopper l’état dans lequel elle était.
Je mentirais si je disais que je ne me suis pas du tout inquiétée. Mais, j’ai appris à relativiser un peu car ce n’est pas la première fois que ma fille me fait des grosses angoisses qui s’étalent sur plusieurs jours.
Dans ces cas-là, à part prendre ses craintes au sérieux et lui changer les idées au maximum, je n’ai pas encore trouvé quoi faire.
Ce que je retiens de tout ça, c’est que l’on est quand même une belle famille de flippés 😅
Nous sommes vendredi 13 décembre et Sarah va bien. Elle garde en souvenir de ces deux semaines de stress, des plaques rouges sur le visage qui finiront par partir dans les prochains jours.
Le monde de Sarah est toujours plein de surprises mais le côté angoisses est de loin le plus difficile à gérer. Il n’y a rien de rationnel et rien que je puisse dire ou faire pour l’apaiser à 100%.
Je vous avoue que dans ces moments-là, son psychologue est indispensable à ma santé mentale et à la sienne.
Alors merci Papa-Psy d’être toujours présent pour elle et pour moi 🌟 ( Je vous ai mis le lien vers son blog.)
Venez me dire en commentaires ou sur ma page Facebook si vous aussi vous rencontrez ce genres de problèmes avec votre enfant et comment vous les gérer. Vos expériences et conseils m’intéressent.
9 Comments
Latmospherique
Quel parcours!
Faire face à ses propres angoisses c’est déjà pas facile, alors celles de nos enfants. Merci pour ton partage qui est important c’est vrai pour les familles qui vivent des épisodes similaires. Et parce que c’est bien de pouvoir en parler aussi.
Bon weekend
Carmel
C’était aussi le but de ce témoignage de montrer que les choses ne sont pas toujours linéaires mais qu’il y a toujours une amélioration au bout. Même si c’est compliqué sur le moment.
Un très bon week-end également 💫
theatypicalsblog
Wow, c’est dur. Mon fils est également un grand angoissé (il tient ça de moi sauf que chez lui ça commence plus jeune) et nous avons commencé un suivi psy également.
Carmel
Vous verrez que le suivi psy, absolument indispensable, vous aidera beaucoup. N’hésitez pas si vous avez des questions 😊
theatypicalsblog
Merci. En fait, je me demande avec quelles méthodes un psy peut arriver à traiter un enfant. Mon fils a la phobie de l’eau et je vois pas comment, il va pouvoir la surpasser en discutant ou en dessinant. Il va avoir huit ans.
Carmel
Je ne peux que vous suggérer de vous orienter vers un psychologue qui pratique la TCC ( Thérapie cognitivo-comportementale ). De mon point de vue, c’est le plus efficace en terme de phobies et d’angoisses. Cela a énormément aidé Sarah. N’hésitez pas si vous avez des questions.
Bonne journée à vous 🙂
theatypicalsblog
c’est déjà ce qu’on a fait, merci 🙂
Phenomene2maud
Moi qui vis avec des angoisses je ne peux que comprendre ton billet. courage à toi maman extraordinaire et gros bisous à toutes les 2 <3
Carmel
Merci Maud 🌟 C’est vrai que les angoisses sont très handicapantes au quotidien. J’en fais aussi pas mal et je suis traitée également pour ça, donc je connais le problème par coeur. Je te souhaite le meilleur pour cette période compliquée.
Plein de bisous 😘