Idées reçues sur les autistes
L’autisme ou trouble du spectre autistique (TSA) est très connu mais, paradoxalement, très méconnu. Beaucoup d’idées reçues circulent à propos des personnes autistes alors je trouvais intéressant de faire un petit point en rapport avec un cas que je connais bien, à savoir celui de ma fille.
En effet, elle a été diagnostiquée autiste atypique début octobre et pourtant, certains ont encore peine à croire que ce n’est pas une erreur.
Pour quelles raisons?
À cause d’un manque d’informations sur le sujet et surtout en raison de l’image des autistes qui est véhiculée dans les médias et qui entraîne tout un tas d’idées reçues sur le sujet.
Je tiens à préciser que je ne suis pas une professionnelle de la santé.
Je suis simplement une maman qui vit depuis 15 ans avec sa fille autiste et qui a toujours su, au fond, que quelque chose ne tournait pas dans le bon sens.
À présent que le diagnostic a été posé, je peux avoir suffisamment de recul et interpréter les choses un peu différemment.
C’est parti pour un petit retour sur expérience au pays de l’autisme.
Mais avant tout, on va tenter de définir de manière la plus claire possible ce qu’est exactement l’autisme en général. Je précise en général, car il y a autant d’autismes différents que de personnes autistes. Même si une classification existe et qu’elle est bien utile pour établir un diagnostic. Car, à contrario, il existe tout de même un tronc commun permettant d’identifier clairement si une personne relève du TSA ou non.
L’autisme, c’est quoi?
Il faut tout d’abord préciser que l’autisme n’est pas une maladie mais un handicap. On n’en guérit pas, on s’adapte du mieux que l’on peut en fonction de son degré d’atteinte.
Le trouble du spectre autistique se manifeste par des difficultés à établir des interactions sociales et à communiquer. On retrouve également des comportements répétitifs et/ou stéréotypés avec des intérêts restreints accompagnés d’une réticence marquée au changement.
Il faut bien distinguer le fait d’avoir des traits autistiques avec l’autisme en lui-même. En cherchant bien, tout le monde doit bien avoir ici ou là des traits autistiques, sans pour autant être autiste.
Établir un diagnostic d’autisme est un processus qui peut parfois être très long tant la pathologie est complexe et peut se manifester différemment selon les individus.
Pourquoi j’ai un jour pensé que ma fille était autiste?
Tout simplement car elle cumulait beaucoup de traits autistiques et que ceux-ci ne s’amélioraient pas vraiment en grandissant. Je dirais qu’ils avaient même tendance à s’amplifier malgré un petit temps d’amélioration qui a aujourd’hui un nom: autisme atypique.
Les traits les plus marquants étant:
- Une enfant beaucoup trop sage qui a tendance à se faire complètement oubliée si on n’y prête pas attention.
- Un refus d’avoir des relations sociales en dehors de la famille ou des adultes proches de la famille.
- Des centres d’intérêts restreints et répétitifs pas toujours en adéquation avec son âge.
- Une intolérance au changement y compris le changement alimentaire. (Ce qui rend l’alimentation très compliquée. Et non, ce ne sont pas des caprices.)
- Un besoin de ritualiser toutes ses journées.
- Des troubles importants du sommeil.
- Des troubles du langage oral (trouble de la fluence, hypospontanéité verbale avec absence d’entretien de l’interaction, faiblesse de la communication non verbale.)
- Une sensibilité accrue à certains sons, bruits, odeurs ou textures.
- La présence d’écholalies, un peu moins marquées aujourd’hui quoique toujours présentes.
- Une forte anxiété avec perte de confiance en soi.
Cette liste n’est pas exhaustive et j’en oublie certainement car j’ai un compte rendu de 50 pages du CRA (centre de ressources autisme). Et le but n’est pas de le recopier mais de vous expliquer ce que moi, sa maman, j’ai observé au fil des années.
Je dirais que ces caractéristiques ont toujours été plus ou moins présentes chez ma fille. Et après 15 ans de recul, je me rends compte que j’ai toujours compensé. Elle aussi d’ailleurs. D’où cette illusion qui peut être donnée, vue de l’extérieur et vite fait, que tout va bien.
Mais comment penser que tout va bien quand votre ado n’a absolument aucune copine et n’en voit même pas l’intérêt ?
Son monde à elle est tellement différent du vôtre que vous n’avez même pas idée des efforts que ça lui demanderait de s’y adapter et de vous comprendre.
Ce qui m’amène à ma petite liste d’idées reçues que je pourrais ou non valider en fonction de notre vécu.
Encore une fois, je ne fais pas une généralité, je ne me base que sur mes 15 années d’observation.
Idée reçue n°1: Les autistes n’aiment pas sortir de chez eux.
Vrai et faux.
À l’extérieur, il y a du bruit, du monde, ça bouge dans tous les sens. On croise des personnes que l’on connait, on leur dit bonjour et on discute un peu.
Et là, vous me direz qu’il n’y a rien d’extraordinaire. Effectivement.
Pour une personne autiste, cela fait beaucoup de signaux à analyser en une seule fois; des sollicitations trop rapides et trop nombreuses.
Lorsque nous sortons, je sens ma fille bien souvent perdue face à tous ces signaux externes et elle ne sait pas toujours comment y faire face.
Elle a du mal à savoir comment réagir vis à vis des personnes qui viennent vers elle spontanément et qu’elle ne connait pas vraiment. C’est tout simplement un problème de compréhension des codes sociaux qui vous paraissent évidents, à vous.
Elle reste alors près de moi, m’observe et se sert de mes réactions pour savoir quoi faire.
Au final, une heure de sortie devient pour elle, l’équivalent d’un marathon pour vous. Elle rentre à la maison épuisée. Oui, c’est le mot.
Elle ressent rapidement le besoin de retourner dans sa bulle car toutes ces informations à traiter en même temps par son cerveau, la fatiguent énormément.
Alors non, je ne la sors pas tous les jours. Et j’ai même appris à déculpabiliser pour ça.
Je ne fais que ce qui est nécessaire ou ce qui pourrait lui faire plaisir.
Et les sorties ne doivent pas durer des heures car elle se sent vite perdue au milieu du monde. Mais elle ne le dit pas. Je le sais, car je la connais par coeur.
Au fil des années, j’ai adapté ma manière de vivre avec elle en privilégiant les activités au calme, chez nous.
Idée reçue n°2: Les autistes n’aiment pas les contacts physiques.
Vrai et faux.
Effectivement, faire la bise ou serrer une main n’est pas l’activité favorite de ma fille. Je dirais même que ça la dérange beaucoup.
Elle n’embrasse pas et ne touche pas volontiers une autre personne que moi ou sa grand-mère.
D’où le faux.
En revanche, avec moi, elle est très câline. C’est un petit louveteau qui a besoin de se blottir chaque jour dans mes bras et de me serrer très fort. C’est sa manière bien à elle de me montrer son affection. Et ces séances de câlins l’apaisent énormément. Ils sont donc à consommer sans modération.
L’autre exception, ce sont ses animaux.
Elle a un rapport fusionnel avec eux et s’en occupe toute la journée, y compris en les câlinant.
Donc, les contacts physiques existent même s’ils sont sélectifs.
Et si vous me croisez avec ma fille et qu’elle fait une drôle de tête quand vous lui faites la bise, elle n’est pas mal élevée, elle est juste autiste.
D’ailleurs, cela peut permettre de se poser une question pertinente: pourquoi établir un contact physique avec une personne que l’on ne connait pas vraiment ? Au fond, elle a raison, si on y réfléchit. Elle est juste logique en réalité.
Idée reçue n°3: Les autistes ne parlent pas.
Vrai et Faux.
Ce cliché là, il est tenace !
On pense, à tort, que les autistes ne communiquent pas du tout et qu’ils sont h24 dans leur monde.
Tout d’abord, il faut distinguer les autistes verbaux des autistes non verbaux. Il y a donc, effectivement, des autistes qui ne parlent pas.
Ce n’est pas le cas de ma fille. Elle parle et parfois, c’est même un vrai moulin à paroles.
Mais attention, ces moments de paroles ne sont pas aussi spontanés que l’on voudrait le croire.
Elle va volontiers parler à ma place en me coupant parfois la parole, mais peut aussi rester des heures sans produire le moindre son. ( Ou alors, elle va se parler à elle-même.)
La prise de parole est compliquée car elle s’inscrit dans des codes sociaux. Et savoir quand c’est son tour de parler, rebondir sur un sujet ou initier une conversation sont autant de petites choses extrêmement compliquées pour une personne autiste.
Mais si on prend son temps, que l’on fait preuve de patience, on a des discussions hyper intéressantes et enrichissantes.
Idée reçue n°4: Les autistes ne ressentent pas les émotions.
Faux.
Si je prends simplement le cas de ma fille, je peux dire sans me tromper qu’elle est hypersensible.
Ses émotions sont exacerbées et elle ne sait juste pas comment les gérer ou les interpréter. Cela donne d’ailleurs bien souvent lieu à des crises de larmes. Elle ressent tout plus intensément.
Dire qu’elle se fiche des autres ou de ce qu’on peut lui faire ou pas est donc faux.
Elle est très sensible aux marques d’amour et d’affection mais elle ne sait pas comment montrer ses propres émotions.
Tout est encore question de codes qu’elle ne perçoit pas comme les autres.
Elle a une réelle difficulté à montrer ou comprendre ce qu’elle ressent mais cela ne veut pas du tout dire qu’elle ne ressent rien. C’est même tout le contraire.
Il faut donc faire preuve de patience et d’une grande prudence pour ne pas la blesser.
Pour conclure.
Vivre avec une enfant autiste est aussi enrichissant que fatiguant et isolant.
J’emploie volontairement ce terme car j’ai eu tendance à m’isoler pour éviter les comportements problématiques ou inadaptés et donc le regard des autres.
C’est compliqué le regard des autres quand on n’a pas envie de se perdre en explications. Même si, au fond, je n’ai aucune justification à donner à qui que ce soit. Vivre en se fichant du regard des autres est illusoire.
Dans son monde à elle, tout est sans filtre. Elle est cash.
Elle apprend au fil du temps à être un peu plus en nuances mais rien n’est spontané. Il y a un vrai travail d’apprentissages derrière. C’est à peu près comme ça pour tout: je lui apprends le second degré; je lui décode les émotions des uns et des autres ou lui explique ce qui se fait ou non. De son côté, elle tente de calquer son comportement au mien, dans un souci de bien faire.
Si je prends l’exemple de l’empathie; c’est un trait que l’on peut ne pas retrouver chez une personne autiste. L’empathie est une chose un peu compliquée à analyser et si je devais ne parler que de mon expérience avec ma fille, je dirais qu’elle a appris, avec le temps, à se mettre à la place des autres et à essayer de les comprendre. Ce n’est pas naturel pour elle d’être emphatique. Mais à force d’observations, elle adapte ses réactions et tente d’analyser si c’est approprié ou non. Mais cette gymnastique du cerveau est très fatigante pour elle. À tous les niveaux.
Néanmoins, elle reste très terre à terre alors il faut souvent un décodeur pour la comprendre de même qu’elle aussi en a besoin pour comprendre le monde qui l’entoure.
Vous l’aurez saisi, rien n’est vraiment simple au pays de l’autisme. Mais c’est très instructif de regarder le monde avec un autre angle de vue. Parfois, cela entraîne même des remises en question. Comme cette fois où nous l’avons emmenée à Disneyland Paris, qu’elle a détesté, car elle trouve complètement stupide de faire une heure de queue pour deux minutes d’attraction dans des décors factices.
Logique, encore une fois !
J’ai encore beaucoup à apprendre au contact de ma fille. Nous allons commencer de nouvelles prises en charge, surtout pour l’aide à la socialisation. Alors si vous souhaitez en savoir plus, n’hésitez pas à me suivre ici ou sur ma page Facebook.