les hormones de croissances
Le syndrome de Turner,  Mes dossiers

Les hormones de croissance et le syndrome de Turner


Après avoir évoqué toute la partie cardiopathie congénitale associée au syndrome de Turner, je vais à présent m’attarder sur le suivi endocrinologique. Et plus particulièrement sur le traitement par hormones de croissance.

Comme je l’ai déjà expliqué dans mes précédents articles sur le syndrome de Turner, j’ai mis au monde en novembre 2004 une petite fille, Sarah, atteinte de ce syndrome.

Je vous laisse découvrir les circonstances de la découverte de la maladie ainsi que les conséquences de la double cardiopathie congénitale liée à ce syndrome ici et ici.

Je vais traiter cette partie sur le syndrome de Turner d’une manière un peu différente en mélangeant des questions/réponses à la rédaction de mon récit afin d’essayer de rendre tout ceci un peu plus clair.

c'est quoi la cardiopathie congénitale associée au syndrome de Turner

1- Présentation des conséquences du syndrome de Turner au niveau endocrinologique.


Une enfant atteinte d’un syndrome de Turner présente:

  • un retard de croissance;
  • une absence de développement des caractères sexuels secondaires avec absence de puberté, absence de poitrine et de pilosité;
  • une insuffisance ovarienne avec absence de règles et infertilité;
  • Un risque de diabète;
  • Un trouble hépatique; 

Sans traitement, les petites filles atteintes d’un syndrome de Turner restent des petites filles.

L’endocrinologue gère les divers troubles associés à ce syndrome.

Il va gérer, entre autre, la croissance de l’enfant et le déclenchement de la puberté.

Mais avant tout, il est important de différencier les deux principales formes du syndrome de Turner. En effet, le degré d’atteinte de la petite fille ne sera pas le même selon la forme du syndrome qu’elle aura.

le syndrome de turner

2- Les différentes formes du syndrome de Turner.


Il est important de savoir que ce syndrome existe sous différentes formes. Les plus connues sont la forme en mosaïque et la forme complète.

➤ Le syndrome de Turner en mosaïque.

Dans le cas d’une forme mosaïque, toutes les cellules ne sont pas atteintes par l’absence du chromosome X. Et, selon le pourcentage de cellules atteintes, les symptômes seront plus ou moins visibles et importants.

D’ailleurs, beaucoup de femmes atteintes par le syndrome de Turner sous sa forme en mosaïque, ne s’en rendent compte que tardivement. (Si elles n’arrivent pas à avoir d’enfant par exemple.)

Le syndrome de Turner dans sa forme complète.

Dans ce cas de figure, l’absence du chromosome X touche toutes les cellules de l’organisme. Le caryotype est alors 45X0 et ici il y a plus de risque de développer toutes les pathologies inhérentes à ce syndrome.

Ma fille a le syndrome dans sa forme complète; il y a donc eu peu de surprises quant à ses divers problèmes de santé.

médecin et hormones de croissance

3- À quel moment on consulte un endocrinologue lorsque l’on a un syndrome de Turner?


Dans le cas de Sarah, le suivi a commencé dès sa naissance.

L’endocrinologue surveillait sa croissance, faisait des bilans sanguins pour mesurer son taux naturel d’hormones de croissance, le fonctionnement de sa thyroïde, ses constantes hépatiques et sa glycémie

Nous le consultions tous les six mois.

Au départ, ce n’était que de la surveillance, les premiers symptômes apparaissant généralement vers l’âge de 4 ans. 

grandir avec les hormones de croissance

4- Le ralentissement de la croissance jusqu’à l’arrêt complet de celle-ci.


Une petite fille atteinte du syndrome de Turner va avoir une croissance à peu près normale en début de vie. Même si elle se situe généralement dans les courbes moyennes inférieures.

Sarah n’était pas très grande, elle suivait la courbe de croissance des 3%; à savoir qu’elle se situait dans les moyennes les plus basses.

L’endocrinologue nous avait alerté sur le fait que sa croissance étant déjà paresseuse, elle finirait par casser sa courbe de croissance plutôt rapidement.

En effet, dès l’âge de deux ans, la croissance de Sarah a commencé à ralentir. Elle ne mesurait que 82 cm, soit la taille moyenne d’une enfant de 18 mois.

Il faut savoir que ce n’est pas tant la taille qui est regardée mais l’évolution de celle-ci. 

Donc, le chiffre en tant que tel ne veut rien dire mais je le donne à titre indicatif.

En effet, un enfant grandit à son rythme et a une croissance régulière. Il ne doit en revanche pas casser sa courbe

➤ Que signifie « casser sa courbe de croissance »?

Casser sa courbe signifie qu’à un moment donné, la croissance ne suit plus son chemin habituel. Elle ralentit jusqu’à décrocher complètement de la norme qu’elle suivait jusqu’à présent.

Le travail de l’endocrinologue sera d’analyser la courbe de croissance et de déterminer à quel moment il est opportun d’intervenir.

hormone de croissance et syndrome de turner

5- Les hormones de croissance chez la petite fille atteinte du syndrome de Turner.


Pour pallier à l’arrêt de la croissance, l’endocrinologue va proposer de mettre l’enfant sous hormones de croissance. De cette manière, elle pourra continuer de grandir de manière optimale.

C’est uniquement lui qui va décider quand démarrer le traitement par hormones de croissance.

Un parent ne peut pas arriver et dire:

« Je trouve que ma fille est trop petite, il faudrait commencer le traitement maintenant. »

Seul le spécialiste est capable de déterminer si la croissance n’est plus suffisante; si la courbe de croissance est cassée et n’évolue plus; et surtout à quel dosage il faudra administrer le traitement.

Dans le cadre d’une pathologie connue comme le syndrome de Turner, on sait que si la courbe de croissance se casse, il n’y a aucune chance pour que les valeurs reviennent à la normale de manière naturelle. 

C’est à ce moment-là que la question des hormones de croissance se pose. La courbe se casse et on démarre le traitement afin d’optimiser les chances de grandir le mieux possible.

choisir

Est-on obligé de donner des hormones de croissance à sa fille atteinte d’un syndrome de Turner?

Non, il n’y a aucune obligation

Tout est affaire de choix pour son enfant.

Il est bien évident qu’à l’âge où la question se pose, notre enfant n’est pas en mesure de nous donner son avis sur la question. 

Une petite fille de 4 ans n’est pas capable de savoir de quelle manière elle pourra gérer une très petite taille à l’âge adulte. En tant que parent, il faut donc prendre la décision pour l’enfant en étant le mieux informé possible.

L’endocrinologue propose le traitement aux parents et le choix leur appartient.

En général, lorsque l’on a fait le choix d’un suivi endocrino dès la naissance, on sait que c’est une étape incontournable.

Mais le choix final appartient toujours aux parents dans la mesure où il n’y a aucun risque vital à être « petit »

Ce choix doit alors être fait de manière éclairée en étant complètement conscient de la taille que pourra faire son enfant à l’âge adulte si elle n’est pas traitée par hormones de croissance.

Ce qui nous amène à la question suivante.

taille sans hormone de croissance

Quelle taille peut atteindre, à l’âge adulte, une petite fille non traitée par hormones de croissance?

En moyenne, une enfant atteinte du syndrome de Turner dans sa forme complète mesurera entre 1m20 et 1m40 à l’âge adulte. 

Le critère héréditaire entre évidemment en compte. Plus les parents sont grands, plus l’enfant sera grand et inversement.  

De notre côté, nous ne sommes pas grands, on rajoutait donc un « handicap » supplémentaire à notre fille.

La question de donner ou non des hormones de croissance à son enfant se pose notamment en raison d’un scandale sanitaire qui a éclaté il y a plusieurs années et qui effraye encore certains parents mal informés

Est-ce que les hormones de croissance présentent un risque de transmettre la maladie de Creutzfeldt-Jakob?

Bien avant les années 80, les hormones de croissance étaient prélevées sur des hypophyses de cadavres. Il y a eu des lots d’hormones contaminés par des prions infectieux et des enfants ont développé la maladie de Creutzfeldt-Jakob. (Il y a eu plus de 119 décès d’enfants traités par les lots d’hormones de croissance contaminés.)

Cette affaire a fait l’objet d’un énorme scandale sanitaire et d’un procès. 

Suite à cela, le mode de fabrication de l’hormone de croissance a été complètement repensé. À présent, le traitement ne comporte plus du tout ce risque, l’hormone étant fabriquée de manière synthétique en laboratoire.

Le risque de contamination par des prions infectieux n’existe plus.

Néanmoins, il faut savoir qu’il peut exister des effets secondaires liés à l’administration de ces hormones de croissance.

effets secondaire hormones de croissance

Existe-t-il des effets secondaires avec le traitement par hormones de croissance?

Comme tout traitement, il existe des effets secondaires.

Cependant, le dosage étant effectué de manière très ciblée par l’endocrinologue, l’administration des hormones est en général très bien tolérée.

De notre côté, nous avons remarqué la survenue de migraines (avec parfois des vomissements) lors d’un changement de dosage. 

De même que des difficultés d’endormissement existent si les hormones sont injectées trop tard le soir. 

Des bilans sanguins réguliers permettent de surveiller les risques inhérents à ce traitement.

Sarah subit environ deux prises de sang par an. Le but est de surveiller sa glycémie, sa fonction thyroïdienne, sa fonction rénale, sa fonction hépatique et son taux de Somatotropine. 

Son bilan hépatique a d’ailleurs des valeurs au-dessus des normes; mais il n’y a rien à faire de particulier à part surveiller.

Ces analyses sont nécéssaire pour ajuster au mieux le traitement et vérifier que Sarah le supporte bien.

prise de sang pour surveiller l'hormone de croissance

Comment s’administre le traitement par hormones de croissance et à quelle fréquence?

Le traitement est administré par voie sous cutanée en injection de manière quotidienne, le soir.

Il existe deux sortes d’injections que les parents choisissent en fonction de leur préférence:

– Le stylo, sur le même principe que pour l’insuline chez les diabétiques.

– La seringue à usage unique.

Nous avons essayé le stylo mais Sarah avait très mal au point d’injection.

Au bout d’un mois, l’endocrinologue nous a passé aux seringues à usage unique qu’elle supporte beaucoup mieux.

Ce choix est donc personnel à chacun.

Nous avons également fait le choix d’un dosage sur 6 jours par semaine afin d’avoir un jour « off » dans la semaine. (Le vendredi en général.)

Combien de centimètres peut-on espérer gagner avec les hormones de croissance?

Là encore, c’est variable en fonction de chaque enfant.

Il faut savoir que ce n’est pas un traitement « magique » qui vous fera grandir plus que ce que vous ne le devriez en temps normal. C’est un traitement de compensation d’une hormone que l’organisme ne sécrète plus.

Dans le cas de ma fille, notre endocrinologue avait un objectif de taille à 1m60. Celui-ci a été revu à la baisse.

En effet, après 10 ans de traitement, Sarah mesure actuellement 1m46 à 14 ans et demi.

Nous nous sommes fixés un objectif réaliste d’1m50. Si elle n’avait pas été traitée, elle aurait mesurée, 1m25 environ. Le traitement lui a permis de gagner environ 20 à 25 cm.

Ce chiffre varie en fonction des individus et de la réponse au traitement. Il arrive qu’un organisme ne réponde pas bien aux hormones de croissance et le bénéfice devient alors moindre.

Encore une fois, il n’y a pas une norme établie. 

durée des hormones de croissance

Combien de temps dure le traitement par hormones de croissance?

En ayant commencé à l’âge de 4 ans, nous savions que nous partions pour une durée d’au moins 10 ans. (sauf si le traitement s’était avéré inefficace.)

En règle général, tant que l’enfant continue de grandir et répond bien au traitement, il n’y a pas d’indication de le stopper.

Le but étant d’atteindre une taille jugée correcte pour tout le monde.

Le début de la puberté marque généralement l’arrêt de la croissance chez la fille.

Dans le cas du syndrome de Turner, l’endocrinologue déclenchera la puberté par le biais d’une pilule hormonale. Ce sera donc à lui de trouver le meilleur moment pour stopper la croissance et déclencher la puberté.

Les hormones de croissance seront donc stoppées au moment où le médecin considérera que la taille atteinte est convenable; ou que l’hormone de croissance ne fonctionne plus. Cela sera donc aussi le moment où la puberté sera démarrée par la prise d’une pilule. 

Comment sait-on qu’il faut arrêter le traitement par hormones de croissance?

Tous les ans, l’endocrinologue nous fait effectuer un âge osseux. L’âge osseux sert à déterminer si l’enfant a ses cartilages de la main soudés ou non. Tant que les cartilages ne sont pas soudés, la croissance n’est pas terminée.

Pour vulgariser:

– Si l’âge osseux est inférieur à l’âge réel de l’enfant, cela signifie que le traitement a encore une marge de manoeuvre pour agir et faire gagner des centimètres.

– Si l’âge osseux devient égal ou supérieur à l’âge réel, il n’y a plus de raison de continuer le traitement  par hormones de croissance; celle-ci est terminée.

En plus de l’âge osseux, il y a une étude de la courbe de croissance. Il se peut qu’au bout de plusieurs années, le traitement ne soit plus efficace. En moyenne, il y a un gain de 5 cm par an avec le traitement. Si ce chiffre baisse de manière trop significative c’est le signe qu’il faut arrêter et passer à l’étape suivante; c’est à dire au déclenchement de la puberté.

pilule et syndrome de turner

6- Le déclenchement de la puberté chez une enfant atteinte du syndrome de Turner.


Je ne connais pas encore cette étape car nous en sommes encore au stade des hormones de croissance.

Je ferai bien sûr un article à ce sujet au moment où nous en serons là dans le processus.

le syndrome de turner

7- Comment j’ai vécu le passage aux hormones de croissance de ma fille.


Durant les quatre premières années de vie de Sarah, j’étais complètement focalisée sur sa cardiopathie. J’en avais presque oublié pour quelle raison elle avait ce problème cardiaque. J’étais dans un genre de déni de son anomalie chromosomique.

Au moment où l’endocrinologue nous a fait démarrer les injections d’hormones de croissance, je n’étais absolument pas préparée psychologiquement à faire une piqure tous les soirs à ma fille.

Je savais que ce jour arriverait mais je l’avais occulté.

Je me souviens que je m’entraînais sur des peluches. j’ai eu du mal à me lancer.

J’étais dans une culpabilité telle que j’avais la sensation de la punir ou de la maltraiter au moment de faire ce geste que je trouve aujourd’hui complètement banal. 

Sarah avait bien compris qu’elle aurait une piqure tous les soirs mais j’avais mis en place un petit système pour mieux faire passer la pilule.

Tous les soirs, durant le premier mois du traitement, je lui donnais un petit cadeau afin de la récompenser pour son courage.

Cela a permis de passer un cap et d’intégrer ce geste dans notre quotidien sans trop de larmes.

Lorsque le traitement a été bien en place, j’ai pu arrêter les petits cadeaux et la piqure est devenue un rituel de plus dans nos soirées.

Sarah n’a jamais souhaité faire elle-même ses injections. Encore aujourd’hui, c’est moi qui les effectue.

➤ Bon à savoir.

Nous refusons d’être esclave de ce traitement. Il doit être conservé au frais alors si nous avons des déplacements en avion, nous ne l’emmenons pas avec nous.

De même, lorsque Sarah est malade, je ne lui fais pas ses piqures.

Évidemment, je n’ai pas décidé de cela toute seule. Son endocrinologue m’a conseillé d’agir de la sorte et je l’ai écouté. Je dois avouer que cela enlève une certaine pression en rendant la chose moins informelle. Même s’il faut rester rigoureux et sérieux. (Étant entendu que l’on ne peut pas se permettre de tout stopper durant des jours.)

Les hormones de croissance ne sont pas vitales comme l’insuline par exemple. Donc si elle n’a pas sa piqure durant 3 jours, ce n’est pas grave et cela n’a jamais eu de répercussion sur sa courbe de croissance.

Les cas de figures où la piqure n’est pas faite sont évidemment très rares. 

Ce que j’essaye d’expliquer c’est que nous essayons de ne pas nous prendre la tête avec ce traitement. Il fait partie de notre quotidien mais si nous ne pouvons pas le faire pour une raison ou une autre, on n’en fait pas une maladie. 

Sarah ❤️

8- Comment Sarah vit son traitement.


Aujourd’hui, ma fille est sous traitement d’hormones de croissance par injection depuis plus de dix ans.

Elle avait 4 ans lorsque nous avons démarré les piqures, elle n’a donc quasiment connu que cela.

Ce geste est complètement normal à ses yeux. Elle sait que sans ses piqures, elle ne pourrait pas grandir. 

D’un autre côté, pour le moment, elle se fiche un peu de la taille qu’elle fait.

Sarah a eu une période, il y a quelques années, où elle était en colère d’avoir cette maladie mais cela n’a pas duré. 

Elle n’a jamais rien connu d’autre alors pour elle, c’est juste normal.

Cependant, elle apprécie tout de même beaucoup le vendredi soir où nous ne faisons pas la piqure. 

J’ai discuté avec elle au sujet du choix que nous avions fait de la traiter avec les hormones de croissance. Elle n’a pas été vraiment capable de me dire si elle aurait préféré être très petite. En réalité, elle trouve juste que cela n’aurait pas été très pratique pour elle de ne mesurer qu’1m20 😁

hormones de croissance et syndrome de Turner
Sarah, l’année où nous avons commencé les hormones de croissance (2009)

Pour conclure.


Décider de faire grandir sa petite fille de manière artificielle est une responsabilité dans la mesure où elle n’est pas capable de savoir si c’est mieux pour elle ou pas.

Avec le recul, je reprendrais exactement les mêmes décisions car notre société est ainsi faite qu’il est déjà bien assez compliqué de vivre avec des différences. Inutile d’en ajouter d’autres lorsque l’on peut y remédier grâce à la science. Bien sûr, si Sarah n’avait pas répondu au traitement, nous aurions tout mis en oeuvre afin qu’elle s’accepte telle qu’elle est.

J’ai encore énormément de points à aborder au sujet du syndrome de Turner, comme les différents suivis médicaux, les troubles des apprentissages, les troubles du comportement ou la manière dont j’ai dû apprendre à ma fille qu’elle serait stérile.

Je vous invite donc à me suivre si vous souhaitez en savoir plus.

N’hésitez pas à m’apporter vos témoignages si vous ou quelqu’un de votre entourage est atteint du syndrome de Turner ou si vous avez simplement des questions sur le sujet.

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